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VONARBURG Elisabeth – Chroniques du Pays des Mères

27/09/2012 32 commentaires

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Titre : Chroniques du Pays des Mères
Auteur : Elisabeth Vonarburg
Plaisir de lecture Livre avec entrée au Panthéon

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Après une catastrophe qui a changé la planète, les Captes des Familles veillent sur le Pays des Mères. Sous la protection de la Mère de Béthély, Lisbeï va grandir dans une société encore toute jeune. Ne pouvant remplir le rôle auquel elle était prédestinée, Lisbeï va devoir trouver sa nouvelle place dans une société en pleine effervescence et remettre à plat toutes ses convictions. Alors que Tula, sa sœur et amie va remplacer Selva en tant que Mère, l’exploratrice Kélys va aider de son mieux Lisbeï dans son cheminement.

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)°º•. Elisabeth Vonarburg nous dépeint une société relativement jeune (400 ans) où la discrimination raciale et sociale existe bien ; il est même question d’une hymne à la différence… et la naissance de la complémentarité. Ces chroniques sont tout aussi physiques qu’émotionnelles. On part chercher les origines d’une telle société en découvrant son Histoire et la foi. La question de l’identité et de la place de l’individualisme dans ce monde empreignent le livre. Il s’agit de véritables pérégrinations intellectuelles.
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Au Pays des Mères, le contrôle des naissances est rude et qui parfois à nos yeux peut paraitre triste, dur et injuste. Les hommes sont très peu nombreux dans cette civilisation et la procréation s’avère un devoir vital extrêmement ritualisé ; mais tout est affaire de survie.

On navigue sur la contestation et le dynamisme de la séparation des sexes. La hiérarchie est telle qu’un code vestimentaire est créé : verts : pré pubères ; rouges : nubiles ; bleus : stériles ou interdites de procréation pour cause de risque congénital.  L’aspect sexuel peut déranger quelques lecteurs : on ne rentre pas dans les détails, tout est conté avec un certain voile pudique mais c’est plutôt le type de relations qui pourraient apparaitre comme atypiques.

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Même si la violence physique n’existe plus, la violence a toujours sa place de bien des manières. Les différences de statut homme/femme intègrent des caractéristiques sexistes et même l’exclusion jusqu’à la haine envers les hommes. La soif de pouvoir s’effectue aussi via la féminisation du langage ; le vocabulaire tout comme les expressions : la chevale, la hérissonne, la bébée, l’enfante. La grammaire est aussi modifiée ; le féminin remporte toujours sur le masculin : un groupe de personnes composé d’une femme et de deux hommes sera signalés par un « Elles ».

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L’auteur s’interroge sur la place des femmes, sur les relations avec les hommes. Même si cette société est basée sur le matriarcat, sexiste et féministe, Elisabeth Vonarburg nous propose la vision d’une société subtile et sans cliché. Les femmes seront d’ailleurs nombreuses dans l’histoire et nous suivrons entre autres Lisbeï, Tula, Kélys, Mooreï, Antoné, Guiséa et Selva.

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)°º•. En lisant cette histoire, on vit à travers les yeux de Lisbeï : on suit ses aventures mais parfois on en apprend plus grâce aux correspondances. Ce roman initiatique est le journal de bord de Lisbeï entrecoupé par des lettres reçues, des extraits de journaux ou des monologues intérieurs. Ecrit entre 1979 et 1992, il faudra bien toutes ces années pour qu’Elisabeth Vonarburg nous livre une humanité bouleversante.

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Le challenge est très haut dès le départ : il faut que la société soit crédible, qu’elle tienne droit et que l’histoire nous entraine vers des découvertes et autres surprises. La plume exigeante de l’auteur donne une impression de lire un roman historique, une véritable autobiographie d’une période de notre société ; c’en est bluffant. Le pouvoir d’écriture forme un monde en développement où les mystères sont assez nombreux pour nous intriguer tout du long. Ce n’est pas un livre d’action ; qui ne présente pas non plus une romance idéale mais les tensions sont parfaitement maitrisées. Cette histoire parait simple, presque linéaire alors qu’il n’en est rien ni dans sa construction ni dans l’immersion. Le rapport à une culture différente est le pivot de ce livre.

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Ce récit ô combien singulier est très prenant. Le plus difficile est sans doute d’entrer dans l’histoire : le vocabulaire nouveau et la description des lieux et hiérarchies peut être déroutants. Cette histoire m’a particulièrement touchée et j’ai eu du mal à le lâcher. Les informations sont assez nombreuses à avaler, quelques fois on a du mal à rester concentré(e) mais cela vaut la peine car le récit est beau et poignant.

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L’auteur fait part de beaucoup de suggestions et nous n’avons pas réponse à toutes nos questions. On s’interroge également à propos de notre société. Coutumes, évolutions, politiques et autres détails sociétaux donnent une grande force à l’histoire. J’ai ressenti une très grande sympathie pour Lisbeï mais aussi pour les personnages secondaires. La fin m’a surprise et je reste un tantinet désappointée concernant les Mauterres. A travers ma chronique, je n’aurai pas su vous convaincre tellement ce livre est complexe à résumer ou à vous expliquer : on ne peut le savourer qu’en le lisant.  J’ai particulièrement aimé les discussions avec les membres du Cercle d’Atuan pour les éclaircissements apportés. Il va sans dire qu’il est à lire avant « Le silence de la cité » qui se déroule antérieurement à ce livre-ci ; mais c’est un conseil non dénué de sens qu’a partagé la bloggeuse Vert, pour préserver le suspense et la magie. C’est un livre qui se lit et se relit plusieurs fois au cours de sa vie : ça tombe bien, j’ai acquis un vieil exemplaire un peu usé, aux pages jaunies qui me conforte dans cette idée.

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Chroniques du Pays des Mères est une histoire toute sauf personnelle, c’est un véritable voyage que vous entreprenez avec Lisbeï qui a soif d’aventures, de connaissances et d’expérience empirique. Des choix imparfaits dans un monde imparfait.

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)°º•. Biographie
Elisabeth Vonarburg née en 1947 à Paris et vit au Saguenay au Québec depuis 1973.  Romancière et nouvelliste, elle fait parti des figures incontournables francophones de la SF. Ayant plusieurs cordes à son arc, elle a reçu tout autant de récompenses littéraires. Notons le fait primordial qu’elle aime les chats (elle en a même plusieurs !). Son site.
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Pour Chroniques du Pays des mères : Prix Boréal 1993, Aurora Award 1993, Prix spécial P.K. Dick 1993, Prix Boréal du meilleur roman de SF 1993, Grand Prix de la science-fiction et du fantastique québécois, Prix du Gala du livre du Saguenay-Lac-Saint-Jean 1993.

Feuiller le livre, ici.

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Souvenir de lecture : Les Mauterres, les Mauterres !

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Dans le chaudron :
¤ Le silence de la cité

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Chez Neph, Le rêve du renard (Yume), Mes lectures de l’imaginaire (Olya), Nevertwhere (Vert), Parchments of Sha’ (Shaya), Popoyo’ s lairRêverie en forme de poire (Zahlya), Tortoise’s time tree ont lu ce livre en ma compagnie.
La première chronique de Nevertwhere (Vert), Albédo (Lutin82), A livre ouvert (Chimère), La caverne de JainaXF, Lectures sans frontières (A girl from Earth), Miss Mopi, Mon coin lecture (Karine), Un papillon dans la lune.
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Cette lecture est une participation à « Québec en septembre » ainsi que le pour le challenge « Fins du monde« .

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Pics : #01Lisbeï, doll de Miss Mopi ; #02 Portrait d’Elisabeh Vonarburg par Mélanie Fazi.

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BELLAGAMBA Ugo – Quand il y aura des pommiers sur Mars

04/03/2011 8 commentaires

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Titre : Quand il y aura des pommiers sur Mars
Auteur : Ugo Bellagamba
Plaisir de lecture : Livre à découvir

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Sur fond de la rhapsodie de Liszt, le Nikital vogue aux abords de Mars. Le Capitaine s’apprête à faire son discours, aux côté de Liwei et sous l’œil de Margaux la pianiste et Jean Sirène le journaliste. Vers la zone des machines, Sacha et Boris pensent avoir vu quelqu’un se profiler. Sous l’œil inquiet des ouvriers et sous la plume acerbe du journaliste, tout va s’accélérer.

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)°º•. Sous le pouvoir de la Grande Russie, à laquelle la France est intégrée depuis plus d’un siècle et en collaboration avec la Chine communiste, une équipe part à la conquête de Mars. Le Capitaine est assisté par Liwei le concepteur de ce dirigeable russe : le Nikital. Ce spectaculaire zeppelin est long de trois kilomètres et nous le visiterons tout au long de la nouvelle. Parmi les invités, sont présents deux français, Margaux Pointcarré, célèbre pianiste et Jean Sirène, journaliste qu’elle aimerait certainement claquer pour ses horribles propos. Plus loin, nous retrouvons deux camarades, Sacha et Boris, ouvriers de garde en cet instant précis. Mais ils ne sont pas les seuls à bord du Nikital. Lors de cette soirée d’inauguration, un complot mené part les Américains va éclater.
Deux points ont remporté ma ferveur, le discours du journaliste français ainsi que les scènes avec Ka.
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)°º•. Cette nouvelle d’une trentaine de pages s’avère être une uchronie, légèrement teintée de steampunk. Elle est accessible aux personnes qui ne connaissent rien à l’uchronie (genre, moi). L’avantage est que c’est une sorte de kit : l’auteur donne les bases, pas besoin de connaissances historiques ou de références littéraires, il suffit de se laisser porter. En fin de lecture, un sentiment de satisfaction s’installe.
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Le roman propose une cadence binaire, un chapitre sur deux l’histoire tourne autour de Jean Sirène puis de Sacha et Boris. L’histoire propose un aspect chimérique de la conquête de l’espace et est délicieusement retro (notamment ce gros Nikital tout de boulons et d’acier assortis). Contrairement aux autres nouvelles auxquelles je me suis frottée, j’ai aimé plusieurs points : le petit grain de cynisme, le côté fantastique et le fort pouvoir visuel qui nous permet de nous transporter à bord du Nikital. Sans aucun doute, la plus grande force de ce récit demeure l’ouverture en fin de nouvelle.
Je reprocherai cependant la post face trop explicative : pour moi, Bellagamba coupe court à l’imagination galopante du lecteur avec cette fin libre.
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)°º•. Biographie
Né en 1972, Ugo Bellagamba est un écrivain français de SF avec comme préférence l’uchronie, l’utopie et l’exploration spatiale. Il s’essaie aux nouvelles grâce auxquelles il est recompensé par le prix Rosnay aîné en 2005 (pour Chimères) et Le grand prix de l’imaginaire en 2009 (pour Solutions non satisfaisantes).

.La chanson qui a inspiré Bellagamba peut faire une très jolie musique de fond, elle est à découvrir ici.

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Lu aussi dans le cadre du Winter Time Travel
Souvenir lié à cette lecture : voilà enfin une nouvelle que j’apprécie !

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D’autres avis disponibles : A.C. de HaennePitiland (Pitivier), Quoi de neuf sur ma pile ? (Gromovar), RSF blog (Lhisbei).

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DUFOUR Catherine – Le goût de l’immortalité

01/10/2010 10 commentaires

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Titre : Le goût de l’immortalité
Auteur : Catherine Dufour
Plaisir de lecture : Livre avec entrée au Panthéon
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2213, elle raconte son enfance à Har Rebin, entourée de trois piliers, trois femmes différentes : sa génitrice, prostituée en mal d’être, Iasmitine, la voisine sorcière-vaudou-allergologue-naturiste-et-autres, une femme redoutable et Ainademar à la voix râpée et au tendre amour pour le Pollen. Puis elle raconte son béguin pour Cmatic, jeune entomologiste installé dans la tour, venu enquêter sur une maladie qui semblait éradiquée. Un mot après l’autre, nous entrons dans ce monde où la vie et ses essences prennent des dimensions particulières, on suit les péripéties des uns et des autres qui gravitent dans l’environnement à elle. La vie, c’est comme une drogue. La vie, mais à quel prix ?

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)°º•. En 2304, une femme revient sur sa vie dans ses écrits. Ce roman est une lettre de correspondance, avec un ami, Marc. Ce récit a posteriori nous conte un monde où le ciel est jaune de pollution, où les insectes en Polynésie sont assassins, où l’enfer se trouve réellement en sous-sol. Sous une narration à la première personne du singulier, elle nous entraine toujours plus loin, dans un univers sombre où les objets ont perdu leur nom propre et possède une majuscule, ces objets du quotidien, qui n’existent plus maintenant, en Manchourie.

Notre troupe de personnages principaux et secondaire se révèle être tout haut en couleurs. Des âmes singulières qui ne laissent pas indifférent.
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Elle, est une petite fille dont on ne connaît pas le nom, du temps ingrat, très en colère, mais une caboche bien remplie. Bien qu’elle ait un faible pour cmatic, elle n’en deviendra pas moins, une très bonne alliée.
 » J’avais définitivement les épaules étroites, la courbe des cuisses droite, le ventre plus saillant que le torse, la tête plus grosse que le reste et des traits marqués du bout du doigt. Je me cachais dans le flot sombre de ma chevelure comme dans une source miraculeuse, un soleil noir de la maturation, j’en ressortais toujours aussi inachevée, tel un Alevin translucide. »
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Ainademar, c’est un ensemble de prothèses. Ne suivant pas de traitement hormonal post-ménopause, elle a le dos voûté et est fière de son doigt tordu par l’arthrose. Cette femme soigneuse, elle porte difficilement ses quatre-vingts ans mais elle voue un amour sans borne à elle. Elle s’occupe d’une dizaine de serres entassées dans les couloirs de la tour. Son travail minutieux permet de conserver des Plantes, du Bambou et de l’Osier. Ainademar est polléinisatrice en voie d’extinction.
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Iasmitine est une femme qui s’assume, tant par son physique asiatique, son port de tête magistral, ses cheveux noirs bouclés et sa peau mate tant que par ses activités. Quelque peu obscure, iasmitine travaille à éliminer bon nombre de maux. Et pour elle, toute technique est valable. A la fois à la pointe des technologies, et sorcière vaudou, iasmitine embaume la vie d’elle, d’une manière omniprésente.
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Dans ce monde, il est possible de choisir non seulement le sexe de son enfant, mais également ses attributs génétiques. C’est pourquoi cmatic a reçu grâce à sa fiche génétique prénatale E123.5, un taux de mélanine plutôt bas avec des yeux clairs et une chevelure blonde. Sa peau est comme du velours et à sa naissance, il était protégé de vingt-cinq maladies auto-immunes. Cmatic, dans la vie, est paumé. C’est sans doute, un de ses traits principaux en plus de sa sensibilité. Il a été « choisi » (nous pouvons dire obligé) pour mener une enquête sur le cas d’une maladie censée être éradiquée en Polynésie. Ses indices et choix l’amène à investiguer dans la tour où elle habite, à Har Rabin.
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Shi est plutôt charmant et relativement beau gosse. Malgré sa mâchoire carrée, il a de longs cheveux soyeux et a cette façon de baisser les yeux sur le côté de timidité quant on s’adresse à lui. Dans sa vie, shi connaitra moult revirements de situations, avec le principal défaut de s’attacher aux mauvaises personnes.
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Cheng est une fille au bord de la majorité, affamée et insouciante. Elle traine généralement avec les mendiants, les vendeuses d’oxygène, les trafiquants de greffes frelatées, les dealers de psychotine, joue de la guitare et de la cithare. Entrainée par sa peur, elle court au refuge et sa vie va basculer.
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Path est androgyne roux de deux mètres et un sociopathe bourré de génie. Ce qui le caractérise le mieux est sa sauvagerie démoniaque, ses tatouages écarlates et son succès sexuel auprès des deux sexes. Sans aucun doute, c’est l’être qui vous terrorisera et vous intriguera le plus, lors de votre lecture.

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)°º•. Attention, c’est du Dufour, certes. Mais ce n’est pas comme sa précédente trilogie, ce n’est pas foison d’humour, d’ironie & autres calembours à vous en tordre le bide. Catherine Dufour a mis un an et demi à écrire « Le goût de l’immortalité », « tout à la main sur Papier d’Arbe au fond d’un bar enfumé en buvant de la bière ».

Il m’est très difficile de faire un résumé de ce livre, comme vous avez pu le voir. Mais le travail d’écriture est minutieux. Son talent singulier permet d’offrir aux lecteurs un roman sublime. Il est quelque peu dérangeant, sûrement. Mais l’écriture au scalpel est délectable. Je peux rattacher beaucoup d’adjectifs à cette histoire : ironique, doucereuse, acérée, incisive et corrosive. Les phrases assassines sont superbes et l’intrigue assez complexe (mais je ne vous dévoile rien des ressorts).

L’histoire se présente dans un futur pas si éloigné de ce qu’en sera la réalité à ce moment là. Au début, le livre m’a curieusement fait penser à « Le meilleur des mondes » où Aldous Huxley nous donne une vision pragmatique. Dans cet univers fantastique, les nouvelles technologies côtoient d’un côté, l’aspect bestiaire de certains bourreaux à machette et de l’autre côté, le mysticisme et la magie vaudou. Catherine Dufour fait naturellement du futur (dans le livre), un passé pour elle. L’effet est réel, l’univers est maintenant créé. Ce monde est cruel, grouillant, sordide, impitoyable, raciste, nauséabond et malsain. C’est la scène de théâtre, l’important. L’idée de confrontation d’atmosphères est admirablement gérée. S’y cachent des vérités criantes de notre propre société.

L’histoire est racontée à la première personne avec un narrateur presque omniscient. On se rend vite compte que les rapports humains sont à la déchéance. Ce tout amène à une mosaïque d’émotions, de moments et de personnages. Le tableau est relativement morbide avec des touches de bonheur si fugaces d’un ton étonnamment léger. Bref, « Le goût de l’immortalité » est tout simplement d’une grande beauté.
Totalement subjuguée, je l’ai lu d’une traite sur 48 heures. Et ça, ma parole, c’est preuve de chef d’œuvre.

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)°º•. Catherine Dufour, née en 1966 est un écrivain français. Elle est notamment connue pour sa trilogie burlesque « Quand les dieux buvaient ». De nombreuses fois récompensée, elle compte maintenant parmi les auteurs à découvrir absolument. Et une citation de Cafard cosmique que je trouve superbe « écrivaine française de fantasy délirante et de science-fiction sérieuse ».

L’illustration magnifique du livre chez Mnémos est de Caza.
Bien qu’on dise souvent que la quantité ne fait pas la qualité, il faut bien dire qu’ici, c’est vrai avec les nombreuses récompenses : Prix Rosny Aîné 2006 (prix du roman de SF francophone), prix Bob Morane du meilleur roman francophone 2006, prix du Lundi 2006, et le grand prix de l’Imaginaire 2007.

Extrait du livre lu à voix haute par l’auteur elle-même.

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)°º•. Extrait

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Souvenir lié à ma lecture : là, en vacances, à minuit passé, ramenée sur moi dans ce fauteuil blanc, là, dans l’après-midi, installée sur un siège en bois de korrigan. Là, pendant 48 heures, à dévorer.

La lecture de ce livre s’est réalisée dans le cadre du Cercle d’Atuan.
Retrouvez les critiques des membres : Arutha, Calenwen, Ryû.

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D’autres avis disponibles chez : A la lettre (Karine), Avis de VicklayLes lectures d’EfelleQuoi de neuf sur ma pile ? (Gromovar), Bibliotheca (Marc).

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Pics : #1 Couverture de Caza ; #2 path selon Catherine Dufour ; #3 Basement de lit-it-di

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GAIMAN Neil – Des choses fragiles

04/05/2010 24 commentaires

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Des choses fragiles GaimanTitre : Des choses fragiles – Nouvelles et merveilles
Auteur : Neil Gaiman
Plaisir de lecture : etoile 3 Livre sympa peu s’en faut

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Avec ce recueil de nouvelles et autres merveilles, Neil Gaiman met l’accent sur les idées. Ces petites choses fragiles, quelques fois minuscules, quelques fois tarabiscotées, peuvent être mises sur papier pour répondre généralement à une demande. Neil Gaiman a voulu leur donne un foyer intemporel au sein de cet ouvrage.

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)°º•. Ces 31 nouvelles et poèmes sont toutes aussi différents les uns que les autres. Ils ont été écrits dans un cadre limité car Neil Gaiman ne les invente que sur commande. Les thématiques généralement en sont précises et sont écrites en vue de figurer dans des revues, dans des anthologies, pour ses enfants ou pour des événements. C’est sans aucun doute la richesse de ce recueil car l’hétérogénéité est de mise et est une agréable surprise pour le lecteur.

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Le côté bordélique présenté par l’auteur est sympa : il organise ses nouvelles selon ses propres envies et il ne tient qu’à nous de lire ce livre comme il nous chante : il n’y a pas d’obligation de lire les nouvelles les unes à la suite des autres, mais est privilégiée la pioche. La lecture de cette mosaïque est facilitée par la présence d’une introduction rédigée par Neil Gaiman qui permet, en outre d’expliquer la genèse de chaque récit.

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Des choses fragiles 01Neil Gaiman propose ici plusieurs univers, merveilleux et horreur s’y côtoie. Il est quelque fois, difficile de s’introduire dans un monde si singulier. J’avoue que les nouvelles lugubres n’ont pas eu mes préférences et à l’inverse, certaines ont simplement retenu mon attention dont notamment ‘la présidence d’Octobre’, ‘l’heure de la fermeture’ et ‘le jour de l’arrivée des soucoupes’. La seule nouvelle qui est un véritable coup de cœur pour moi s’avère être ‘le cartographe’ qui se situe en réalité dans l’introduction ! L’intérêt de bouquin se trouvera pour moi, dans l’interview de l’auteur présentée en annexe. Le reste m’aura quelque peu ennuyée et j’ai déjà oublié certains récits. Pour le coup, avec ce livre, je reste sur ma faim.
De Gaiman, je sais apprécier ses romans, mais en tant que nouvelliste, je passe allègrement mon chemin. Au vu des gratifications littéraires reçues, il va s’en dire que je ne suis pas faite pour ce « genre ».
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Neil Gaiman se plait à être nouvelliste car cela lui permet d’offrir un support à certaines de ses idées. Il y a des thématiques qu’il ne souhaite pas aborder sous la forme de roman. Il indique qu’il préfère passer quelques heures, un week-end ou une semaine sur une thématique d’horreur pour une nouvelle plutôt que 18 à 24 mois pour un roman.
Notons par ailleurs que les nouvelles et autres récits ont reçu de belles récompenses :
– Prix Hugo de la meilleure nouvelle en 2004.
– Prix Locus de la meilleure nouvelle en 2003, 2004 et 2005 !

Mention spéciale à la couverture, qui vraiment, traduit fort bien le contenu…

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)°º•. Gaiman, Neil de son petit prénom n’est plus à connaitre, tout le monde a déjà entendu parler de lui – du moins, j’ose espérer –. C’est un auteur britannique vivant aux USA et qui a fait son petit trou dans les rideaux du devant de la scène de la littérature fantastique (reprenons notre souffle). Comics, romans et nouvelles, Neil Gaiman a plus d’un tour dans son sac.
Son site/blog, son twitter.

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Dans le chaudron :
¤ Coraline,
¤ De bons présages,
¤ Neverwhere.
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Au fil de mes lectures (La liseuse) et Raison & Sentiments (Matilda) en parlent aussi.
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McCARTHY Cormac – La route

03/02/2010 18 commentaires

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La route McCarthyTitre : La route
Auteur : Cormac McCarthy
Plaisir de lectureetoile 4 Livre à découvrir

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Ce sont les pieds dans la cendre, que Lui et son enfant errent dans ce monde grisâtre. A la suite de l’apocalypse, leur seul but est de (sur)vivre coûte que coûte. L’homme et son enfant partent pour le sud : il n’est plus nécessaire de fuir, la mort rôde, ce n’est qu’une question de temps. Ils s’accrochent à leurs valeurs, à l’espoir de vivre encore un peu. Ils vont devoir faire face à la pénurie de nourriture et à leur pire ennemi : les autres. Leur chemin vers le sud sera pénible, à bien des titres.

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La route 01)°º•. De prime abord, l’absence d’identité des personnages est quelque peu troublante. Nous ne connaissons le nom ni de l’Homme, ni de l’Enfant. Sans aucun doute, une volonté de McCarthy de nous renvoyer à notre propre image. Et si finalement, c’était nous ?
Les échanges verbaux entre nos deux hommes seront peu nombreux : leur caractère bref rend l’histoire d’autant plus intense… le long cheminement proposé par McCarthy qui pourrait aussi valoir l’honneur de remplir de définition, le titre « Route ».
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L’homme est père d’un enfant relativement jeune (il sait tout juste écrire dans le sable et lire) porte sur ses épaules, un espoir mort dans l’œuf. Il tente tant bien que mal de ne pas se laisser bercer par de doux rêves et son ambition aussi stérile soit-elle est de rester en vie. Ils voyagent en suivant le macadam qui n’a plus de raison d’être, poussant dans le caddie, des placebos de vie. Le strict nécessaire, le peu qu’ils ont réussi à récupérer. Trouver de la nourriture devient de plus en plus difficile, au mépris de l’anthropophagie environnante, il assoit sa morale. Lui et le petit sont les gentils, il tente par tous les moyens de transmettre les valeurs d’un monde qui n’existe plus, en lesquelles il continue –ou fait semblant ?- de croire. Son plus grand garant de leur survie est son propre fils.
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L’enfant, allégorie de la vie dans ce roman, n’est pas en reste. On le devine jeunot mais la joie innocente a quitté depuis longtemps ce petit être. Il devine ce que ressent son père et l’éprouve plus que tout. Il remet son « quotidien » en cause, il pose des questions peu anodines, quelques fois détournées pour trouver des réponses. Il est d’une maturité hors du commun…
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Quand on sera tous enfin partis alors il n’y aura plus personne que la mort et ses jours à elle aussi seront comptés.

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La route 02)°º•. McCarthy nous propose un universravagé, anéanti, ardu, âpre, glaçant et rempli de désespoir. Il nous présente des personnes blessées dans un monde blessé. Dans cette adversité totale, l’homme et l’enfant ont des préoccupations « rudimentaires », répondre aux besoins vitaux : manger et boire. Accessoirement, dormir sans trop d’humidité. Dans cet espace où le temps semble s’être arrêté, les souvenirs d’une société disparue deviennent des mythes. Les survivants sont peu nombreux et sont enclins au cannibalisme. L’humanité présentée par Mc Carthy n’en a que le nom. La problématique de la condition humaine dans ce roman prend tout son sens. Tout est remis en question : la valeur des denrées, la valeur des objets et la valeur des sentiments.

Tout cela nous renvoie à nous-mêmes : que ferions-nous dans cette situation… l’impossibilité d’éviter la mort de cette manière, d’errer sans but.
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L’évolution dramatique de l’histoire est inéluctable, mais bien plus que l’importance de la fin, entre ses pages sombres se révèle beaucoup d’amour. Notons d’ailleurs qu’il restera une pièce mystérieuse de l’histoire où l’interprétation demeure tout à chacun : la force du feu qu’ils portent en eux.
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Il faut que tu portes le feu.
Je ne sais pas comment faire.
Si, tu sais.
Il existe pour de vrai le feu ?
Oui, pour de vrai.
Où est-il ?
Je ne sais pas où il est.
Si tu le sais. Il est au fond de toi. Il y a toujours été. Je le vois.

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Cormac McCarthy)°º•. Soyons honnête, le prix Pulitzer a propulsé le livre de McCarthy. Avec l’adaptation cinématographique, « La Route » a été le centre d’un buzz phénoménal de la critique littéraire. Ce ne sont pas les 170 000 lecteurs que proclame le bandeau du livre qui me donnera le petit coup de pouce pour entamer ma lecture – moi qui fuis les best seller… Quantité & Qualité ne sont pas deux critères qui vont toujours de paire.
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En attendant, ce livre étiqueté « Science Fiction post apocalyptique » n’en a que le titre dans le sens où cette définition ne le sert pas. En conviennent les critiques des bloggeurs et bloggeuses pas spécialement attachés aux lectures SFFF l’apprécient aussi.
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Cette histoire intemporelle, indéterminée et sans lieu de géographique donné propose une thématique tout aussi universelle et maintes fois, utilisée. Cependant, McCarthy a su se l’approprier : grâce à une plume quelque peu glaciale, il fait approcher une horreur plus que réaliste d’un monde de cendres.
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L’histoire en soi ne fait pas peur, elle pose énormément de questions. Elle émeut beaucoup et ne laisse pas insensible. Une sensation un peu cafardeuse reste après que le quatrième de couverture soit refermé.
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Ce récit est écrit dans un style relativement dépouillé. Chaque mot est pesé. Le tout est minimaliste : l’absence de ponctuation, l’usage excessif des « et » au sein d’une même phrase. La linéarité va même jusqu’aux discours sans guillemets, sans tirets, sans la précision des prosateurs. L’écriture en elle-même appuie la densité du roman sans saut de page, ni chapitre.
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 Il plongea et empoigna le petit et roula et se releva avec le petit qu’il tenait contre sa poitrine.

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McCarthy nous présente une histoire minimaliste où chaque mot est pesé. L’homme n’a que garant de vie, son propre fils. Ce dernier, sans enfance et mature trop tôt, le suit jusqu’au bout du monde. Ce couple intemporel traverse un paysage sombre où leur pire ennemi est la condition humaine. Par une plume glaçante, plongez au cœur d’un pays blessé où les gentils ne sont plus si nombreux que ça.

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Cormac McCarthy, écrivain américain, né Charles Mc Carthy en 1933. A reçu le National Book Award en 1992 pour « De si jolis chevaux » et le Prix Pulitzer en 1997 pour « La Route ».

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 Aucune liste des choses à faire. Chaque jour en lui-même est providentiel. Chaque heure. Il n’y a pas de plus tard. Plus tard c’est maintenant. Toutes les choses de grâce et de beauté qui sont chères à notre cœur ont une origine commune dans la douleur. Prennent naissance dans le chagrin et les cendres. Bon, chuchotait-il au petit garçon endormi. Je t’ai toi.

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 Carnet de SeL, Connivences littéraires, Les lectures de Cachou ont aussi marché sur la route.

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STURGEON Théodore – Cristal qui songe

30/11/2009 14 commentaires

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Titre : Cristal qui songe
Auteur : Théodore Sturgeon
Plaisir de lecture Livre fantas… tique

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Horty Bluett a 8 ans quand il fugue. Il vient d’essuyer une énième colère de son père adoptif et de perdre trois doigts à la suite des violences subies. Il a 8 ans, se retrouve en pleine rue, la nuit. Par hasard, il croise son amie Kay Hallowell, lui dit au revoir et la promesse de la revoir.
Et voilà un camion qui déboule, des étranges inconnus qui le prennent sous leur aile et l’embarquent vers des chemins inconnus. Propulsé dans un bar, il rencontre la bande. Ces gens marginaux, certain à la peau verdâtre, d’autres de petites tailles, l’adoptent. Après l’accord de Cannibale, le propriétaire du cirque, Horty va trainer ses savates et se construire grâce à la vie en communauté foraine. Au sein de cette famille de cœur, Horty va partager son temps, son attachement et développer son don de mémoire eidétique. Mais est-ce la seule facilité qu’il possède ? Pourquoi le directeur du chapiteau est-il surnommé Cannibale ? Pourquoi la troupe entière tremble devant lui et se bouche les oreilles aux gémissements d’étranges cristaux vivants ? Les phénomènes ne sont pas forcément « du cirque »…

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)°º•. Très vite, nous sommes plongés dans cette famille au grand cœur. La micro société que représente le cirque est peuplée de « monstres » très attachants. Ces freaks et autres énergumènes de foire apprendront la vie à Horty. Notre jeune garçon va évoluer parmi les gentils et les méchants. Une pression forte, une impression irréaliste tournent et planent autour de son noyau de vie. Heureusement, Horty garde encore son point d’attache, un diable à ressort reçu à l’orphelinat.  Horty entretient des relations très fortes avec Junky et y tient comme à la prunelle de ses yeux.
Horty c’est le gamin que tu vas voir grandir sous tes yeux que t’y crois pas ! Gentillesse et générosité sont son leitmotiv mais il va être désarçonné, rejeté à plus d’un titre.
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Le Cannibale, ex Pierre Ganneval n’est pas étranger à l’atmosphère pesante qui plane sur le cirque. Ce grand misanthrope a depuis longtemps été déçu par la cause humaine. Délaissant l’être humain dans toute sa splendeur, il s’intéresse davantage à des bizarreries scientifiques.
Le Cannibale, c’est le méchant de l’histoire. Mais méchant-méchant. Un vrai de vrai. Que t’aimerais même pas le croiser dans tes pires cauchemars. Enfin, bref, avec l’ingéniosité et la cruauté dont il fait preuve, tu vas en rester plus que baba.
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Famille recomposée de membres rejetés par toute structure sociale, le cirque se compose de freaks et autres énergumènes de foire. Nous croisons tantôt des hommes à la peau verdâtre, tantôt des hommes sans poumon, et quelques nains au physique particulier. Ces « monstres » très attachants n’en représentent pas moins une micro-société. Ce sont ces gens montrés du doigt qui vont apprendre le plus à Horty et vont lui permettre de traverser les obstacles qu’il rencontre.
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Enfin et non des moindres, des personnages pas forcément « principaux » en terme où on l’entend, mais non moins cruciaux, les Cristaux. C’est autour de ces « objets » que se forge notamment l’intrigue. Ces derniers vivent, communiquent, ressentent la douleur, sont faits « de chair, sève, bois, os et sang » et construisent des rêves épatants. Leur communication reste énigmatique, et c’est certainement bien là-dessus que naissent affabulations et machiavélisme.
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Bien que pour certains lecteurs, le Cannibale est une pâle copie mal réussie d’un vrai méchant ; je n’en démords pas, que je n’aimerai pas le croiser en vrai. Le véritable défaut, cependant mineur, réside pour moi dans le statut presque immuable de « gentil » et de « méchant » des personnages. Dommage… Cependant, et cela est sans doute le plus gros point positif de ce roman à mes yeux, la vie des Cristaux est splendide et j’admire l’imagination de Sturgeon. Leur existence atteint quelque sommet poétique et c’est un vrai délice de se délecter des paragraphes (pseudo ?) scientifiques et des envolées exaltées que l’auteur manifeste.

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)°º•. Bien sûr, plusieurs thèmes sont abordés par cette histoire et la plus grande réside en l’image forte de l’humanité et de ses valeurs. La marginalité montre la double facette indispensable de vivre et survivre. Dans le bouquin, on en arrive presque à la lutte du bien contre le mal. Mais il n’en demeure pas moins que pour (sur)vivre, il faut alors avoir la faculté d’adaptation. Marche ou crève en quelque sorte… J’ajouterai qu’on retrouve même une vision poétique voire une hymne à la différence.
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Une de mes plus grandes interrogations au fil des pages a été de me demander quand l’horreur (et secondairement la méchanceté) allait arriver. Sturgeon a su mettre en place des atmosphères en très peu de temps, et qui enveloppent entièrement le lecteur. Souvent on tâtonne, on reste dans la brume. Et grâce à une intrigue plus que palpitante, on se questionne beaucoup. Sturgeon a su distiller avec succès les informations, garder de grands mystères ; actes qui participent au « pourquoi ? » général.
Dans le cadre de la lecture commune du Cercle d’Atuan, les débats ont été riches et passionnés, les différentes théories qui entourent Horty, Junky et les Cristaux (ainsi que le rôle des personnages secondaires) ont eu la belle part de nos bavardages. Il va sans dire que les interprétations des écrits ont été différentes d’une personne à l’autre. Relativement jouissif !
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El Jc a très bien définit la plume de Sturgeon via le forum,  « aspect humaniste et bouleversant et ce avec une grande économie de mots ». La fluidité du style n’est pas en reste et le charme étrange du bouquin participe à accrocher à l’histoire. On apprend aussi, que c’est le roman le plus réussi et le autobiographique de Sturgeon, car il se vouait à la culture physique plus jeune, dans l’objectif de devenir acrobate. Malheureusement, la vie en a décidé autrement…

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Sturgeon nous délivre une histoire très palpitante où le thème de la différence est servie sur plateau. Confiné aux abords de la vie de phénomènes de foire, le lecteur est entrainé dans un monde où les atmosphères sont prenantes, où l’on reste dans un endroit brumeux et quelque peu cruel. Nous suivons le trépidant d’Horty qui bien malgré lui, se retrouve au centre d’étranges affaires. La vision des Cristaux, leur existence et leur fonctionnement demeurent le point d’orgue magnifique de ce récit. Oserez-vous plonger dans ce livre énigmatique ?

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)°º•. Biographie
via Wikipedia
Théodore Sturgeon, de son vrai nom Edward Hamilton Waldo ou Edward Waldo, est né le 26 février 1918 et mort le 8 mai 1985. C’est un écrivain américain de fantastique et de science-fiction, dont le talent s’est exprimé à travers de nombreuses nouvelles et quelques romans.

Plus que son style, l’ambiance et les thèmes abordés dans ses écrits font de cet auteur un cas particulier dans l’univers de la SF et du fantastique. Certains parlent à juste titre d’un univers « Sturgeonien ». On retrouve dans ses écrits des traces d’événements de sa propre vie qu’il a explorée d’une manière presque « thérapeutique » pour en faire quelques chefs d’œuvres, où l’humain prime toujours…

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¤ Adaptation :
La chaîne américaine de télévision HBO de 2003 à 2005 a diffusé un feuilleton de 24 épisodes en deux saisons inachevées. Ce dernier repose sur deux romans de Sturgeon et se nomme  « Carnivale » (fête foraine). La référence à l’auteur a été volontairement mise de côté afin que le public ne soit pas assujetti aux préjugés de la littérature sturgeonienne qui avait créé des scandales dans les années 1950 (le thème de la différence, on en parlait quelques paragraphes au dessus). Sans oublier que des références aux œuvres originelles, l’adaptation n’en garde plus grande trace afin de mieux coller aux envies d’un public qu’on voulait massif.

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¤ Extrait :

Horty poussa doucement Junky sur le pupitre e pressa un bouton usé sur le côtté du cube de bois. Violemment d’abord, puis en hésitant sur son ressort rouillé et enfin avec une sortie de défi triomphant, Junky émergea de sa prison. C’était un diable à ressort, reliquat d’une génération aux mœurs innocentes. Il avait une tête de polichinelle dont le nez crochu tout écaillé rejoignait presque le menton pointu. Dans la mince fente qui les séparait s’étalait un sourire chargé d’expérience.
Toute la personnalité de Junky (et c’était la raison principale de l’affection que lui portait Horty) résidait dans ses yeux. Ils semblaient faits d’une sorte de verre teinté, moulé ou taillé à arêtes mousses, qui, même dans une chambre obscure, avait un reflet, un scintillement étrange et complexe. Maintes et maintes fois Horty avait cru constater qu’ils possédaient une espèce de rayonnement propre – mais il n’avait jamais pu en être tout à fait sûr.
_ Bonsoir, Junky, murmura-t-il.

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45788423_pLa lecture de ce livre s’est réalisée dans le cadre du Cercle d’Atuan : Chimère, El Jc, Olya, Ryuuchan, Spocky, Tigger Lilly, Vert.
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Mes Imaginaires (SBM) en parle aussi, Nebal a rédigé un bien bel article sur Sturgeon.

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CONEY Michael – Le chant de la Terre ~ La locomotive à vapeur céleste, tome 2

14/08/2009 8 commentaires

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Titre : La locomotive à vapeur céleste (Le chant de la Terre, tome 2)
Auteur : Michael Coney
Plaisir de lecture Livre à découvrir
Tome 1, tome 3, tome 4, tome 5

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Le Chant de la Terre est supposé extrait d’un chant épique qui relate l’Histoire de l’humanité, plus quelques autres, et qui a tant proliféré au fil des temps qu’il faudrait plus d’un siècle pour le réciter en entier. Nous ne disposons donc que de fragments en cinq volets, La Grande Course de chars à voiles, La Locomotive à vapeur céleste, Les Dieux du grand loin, Le Gnome et Le Roi de l’île au sceptre. Le cycle conte la mésaventure d’un presque dieu, Starquin le Cinq-En-Un, qui, se promenant dans l’univers des aléapistes, autrement dit des possibles, se trouva piégé quelque part dans l’espace par les champs de mines d’une guerre interstellaire future. Malgré ses pouvoirs, il risque d’y périr d’inanition au bout de quelques millénaires si l’histoire ne peut être réécrite afin de le libérer.

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)°º•. Pour ce tome-ci, l’histoire est contée par Alain-Nuage-Bleu. Le récit de l’ancienne terre se situe cette fois en l’année Cyclique 143624. Afin que les divers auditeurs suivent l’épopée, « on » dit que c’est une légende : il est d’autant plus facile de suivre l’histoire en se persuadant que cela n’a jamais existé, qu’il ne faut plus y repenser ni s’y appesantir. Le Chant de la Terre est l’histoire de l’humanité ; il se compose de récitatifs et autres chants.
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Hormis le fil conducteur de notre histoire chanteresque, il faut ajouter une superposition de différentes histoires de personnages ; comme une sorte de nouvelles d’un chapitre qui s’immisce dans la trame du livre pour mieux nous englober. Nous connaitrons les légendes des Parangons, des Loups du Malheur, des Abeilles du possible et du Marais de Soumission avec nos cinq Peurs. Finalement, cet univers repose essentiellement sur un entrelacs de mondes, pour notre plus grand bonheur.
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Aux côtés des Didons, de l’Etre Tout Puissant, des Essences de Rêves, des ex Gardiens d’Hommes, du Peuple du rêve, des Spécialistes, des Cuidadors et des Capitaines-psy, nous découvrirons la naissance des Spécialistes avec l’affaire de justice de Ratona III vis à vis de son métier. Pendant quelques pages, nous vivrons au temps de l’an Cyclique 91 137 où Moredecai N Whrist soutenait la Spécialiste (alors que dans le tome 1, c’est un très ancien institut scientifique qui en porte juste le nom). Nous côtoierons les Cuidadors dans leur mission de Dôme:  ils dédient leur vie à recréer de Vrais Humains, vont-ils y arriver?
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Sur cette jolie trame de fond, interviennent aussi moult personnages.
Bien que nous ne voyons pas Starquin le Cinq en Un à l’œuvre (et notamment son échappée de ces dix mille ans d’incarcération), nous comprendrons mieux ses intentions… il manipule le monde entier, les différentes races et petit à petit, il monte son stratagème. Dans la Locomotive à Vapeur Céleste, nous réalisons davantage les liens indirects, les imbrications des actes parmi d’autres et le tissage de la magnifique toile.
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L’autre tripotée de personnages ultra méga importants se nomme la Triade. Nous suivrons la naissance de celle-ci par leur rencontre. Elle se compose du Vieillard, de l’Artiste et de la Fille-sans-nom. La Triade remplira son Dessein mais également les quêtes personnelles de chacun d’entre eux. Le Chant de la Terre les cite ainsi :

Venez entendre parler de la Trinité, au légendaire renom,
Le Vieillard et l’Artiste et la Fille-Sans-Nom !

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Une myriade de personnages secondaires sont tout aussi intéressants tels que le Seigneur Cri, Taupin, Eloïse, Roller, Long John Silver (sisi), les Bjorn-Serkrs (chasseurs d’ours) et autres Marylin. Il serait malvenu de ne point citer la Locomotive comme personnage à part, qui mérite le détour…
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Tout ce beau petit monde ne serait rien sans l’Arc-en-Ciel, ordinateur puissant et planétaire, je cite « ce répertoire organico-mécanico-électronique, raisonné et planétaire de l’intelligence et du savoir humain« 

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)°º•. Dans ce tome du Chant de la Terre, le récit se focalise sur ce 143e millénaire avec la naissance de la Triade et de leurs premières actions. Cependant, il est difficile de rentrer dans un tel monde « SF »; la découverte simultanée de différentes actions et déroulement de l’histoire (avec quelques flash back marqués) déroute allègrement. Il faut quelque fois s’accrocher, continuer la lecture, car elle vaut réellement le coup
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Chaque petit épisode est une brique dans la construction du récit. Nous ne connaissons pas tous les tenants et les aboutissants et évoluons finalement, au rythme des personnages. Toutes actions ont une influence les unes sur les autres. L’échiquier se met en place et nous entr’apercevons les tendances et futurs pour préparer la grande aventure de Starquin. Ce dernier peut par ricochet utiliser les souhaits. Ici, l’inventivité de Coney se traduit en français par le souhait et le sur-hait, je cite :
Note du traducteur: « to bigwish » et « to smallwish », deux néologismes de l’auteur, que nous tâchons de transposer par le couple « sur-haiter » et « sou-haiter », le premier étant bien sûr pure invention à partir de l’étymologie du deuxième (« souhaiter » de « subtus »: sous et « haitare »: ordonner, promettre).
Cette conception est un des nerfs de la guerre de la Locomotive à Vapeur Céleste et sera non seulement appréciable mais également fondamentale pour l’histoire qu’Alain-Nuage-Bleu nous relate.
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D’autres thèmes sont développés comme courir après des chimères, ici nous noterons qu’il est plus important de chercher que de trouver. Seront appréhendés également l’idée de la Pensée Intérieure et de la Croyance (aller où bon nous semble du moment que l’on y croit). Sans oublier que les aléapistes ont ici aussi une influence digne de ce nom.
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Je définissais les aléapistes comme cec i:
Et comme un « bonus », tu peux même apprendre les « aléas ». Ce genre d’hypothèses de vie, où telle action aurait été préférée à une autre, ou le non choix entraîne également un destin différent. Ce sont les « aléapistes », ces bifurcations permettent d’entrevoir ce que les personnages auraient pu devenir/faire. Il est très intéressant de découvrir en soulevant ainsi le pan, les voies de vie de ces personnages qu’ils ont refusées, fermant définitivement des bouts de vie imparfaits.
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Dans la Locomotive à Vapeur Céleste, une métaphore est digne d’être relevée :

Dans le Grand-Loin, il y a un arbre qui s’appelle l’ « Hydre Phare », et qui s’étend sur mille kilomètres à travers l’espace, si énorme que sa seule masse suffit à affecter l’orbite de sa planète. Je veux que tu imagines le Temps encore plus immense que l’Hydre Phare. Chaque branche, chaque brindille, représente une possibilité où ta vie future peut inscrire son cours ou un autre, selon ce que tu fais, ou ce que d’autres font. Les possibilités sont infinies, et chacune d’entre elles s’appelle une « aléapiste ».

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Bien qu’à première vue, nous pourrions voir des similitudes avec « le meilleur des mondes » d’Adous Huxley, il n’en est rien. Michael Coney a toujours un style très prenant de par l’invention des mots et l’utilisation de l’italique pour appuyer certaines pensées. Ce tome-ci à proprement parlé n’est pas la suite des aventures intrépides de nos personnages d’un Brésil méconnu. Il s’agit de concevoir cet univers sous un autre angle, tout aussi intéressant ! Abstraction faite d’un immersion quelque peu difficile dans un récit très riche (en personnages, lieux et actions), la Locomotive à Vapeur Céleste reste une lecture très appréciable que je conseillerai.

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Voici un deuxième tome tout aussi incroyable que le premier. Nous plongeons dans cet univers qui semble infini pour s’approcher au plus près des différentes races et personnages qui l’habitent. Nous partons à l’aventure avec la Triade tout en apprenant les légendes. Ce livre est d’une très grande richesse et la première difficulté d’immersion passée, c’est un véritable bonheur littéraire de SF qui s’ouvre à nous !

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)°º•. Biographie

Michael Coney, écrivain britannique né en 1932 s’est mis à sa quarantaine à écrire de la Science Fiction. Il a tout d’abord reçu le prix British Science-fiction en 1977 pour son roman « Brontomek ». Ce n’est que durant les années 1980, qu’il commence à écrire le grand cycle « Le Chant de la Terre »; cette œuvre originale et présentant une certaine sensibilité contemporaine a été récompensée en 1987 par le Prix Aurora.
Avant sa mort en 2005, Michael Coney a publié sur son site web plusieurs romans et des récits inédits pour en faire don à ses lecteurs.

Notons enfin que la couverture des Éditions Laffont reprend le modèle d’anciennes collections basées sur un mélange de futurisme et de psychédélique. Par ailleurs, c’est aspect chromé qui en a fait sa renommée. Espérons que l’esthétique reprise pour ces éditions saura séduire les nostalgiques.

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)°º•. Extraits

Et les Vites pleuraient.
Assis à demi estompés, ils clignaient des paupières à qui mieux mieux, et c’était étrange de voir les larmes ruisseler sur ces gueules évanescentes tout comme des larmes normales, juste aussi lentes et régulières. Les Vites étaient assis là à vieillir, sacrifiant leurs quelques précieuses heures de vie à la contemplation du chef-d’œuvre de Manuel, dont la beauté les faisait sangloter. Et pourtant – tel est le propre de l’art – ils n’étaient pas satisfaits. L’un d’eux, qui tentait de communiquer avec Manuel, leva la main. Pour cette femelle d’âge mûr, parler était un véritable supplice : chaque syllabe prononcée lui coûtait subjectivement un mois. Mais son message parvint au garçon. Pour la première fois, une Vite avait parlé. Elle en mourut, emportée au seuil de la vieillesse par une maladie inconnue qui évolua en deux secondes. Elle avait dit : il y faut plus d’amour.

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Polysitiens, Parangons, Humains Sauvages, Vrais Humains, néoténites, Peuple de Rêve… On à a peine concevoir l’extrême diversité des espèces et variétés humaines développées au cours de l’histoire – surtout à l’époque actuelle, lorsque tant de ces variétés ont disparu.
Il y eu la Première Espèces : fruit de l’union du singe et du Parangon, connue comme l’Homme Primitif.
Puis, il y eut la Seconde Espèce, répartie en trois variétés :
Vrais Humains,
Humains Sauvages, adaptés à un air pauvre en oxygène,
Polysitiens, adaptés à un air riche en oxygène.
et la Troisième Espèce, les Spécialistes, en variétés innombrables.
Ensuite, il y eut la Quatrième Espèce, représentée par deux variétés, dont la première était des néoténites. Ce n’est ni le lieu ni le moment de parler de la deuxième de ces espèces, car le Chant de la Terre se doit de garder un certain mystère.
Et, finalement, il y eut la Cinquième Espèce que Manuel et Zozula connaissent sous le nom de Vites.
Telles étaient les formes de l’Homme.

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Un duo de choc

Un livre à dévorer
(ici en l’occurrence, par un chat)

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