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DALCHER Christina – Vox

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Couverture du roman "Vox" de Christina DalcherTitre : Vox
Autrice : Christina Dalcher
Plaisir de lecture : Livre sympa
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Depuis qu’elle possède son bracelet, Jean McGann est bien en peine à rester chez elle. Elle a interdiction de se rendre à son laboratoire alors qu’elle est doctrice en neurosciences. Il faut dire que communiquer avec son équipe est impensable avec seulement 100 mots par jour. C’est le nombre maximal quotidien de toutes les personnes de sexe féminin – femmes et filles – depuis qu’ont été créés les bracelets compteurs de mots. Pourtant, elle pourrait se débarrasser du sien si elle acceptait de travailler sur la formule d’un sérum contre l’aphasie pour sauver le frère du président.

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En deux pages, on se retrouve puissamment plongés dans le contexte dystopique. Ces bracelets compteurs de mots ont été créés pour la liberté des femmes « Vous avez le droit de garder le silence » annonce le texte officiel. C’est la dernière invention du Mouvement Pur, le parti politique qui se trouve à la tête de ce pays.
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La liberté de… mieux choisir ses mots, de ne pas perdre son temps en discussions futiles et de se concentrer sur la vie de famille et la tenue du foyer, évidemment. C’est vrai : avec 100 mots par jour, il y a intérêt à bien les choisir ! Et si l’on dépasse la limite ? Petite décharge électrique !… qui s’intensifie selon le pourcentage de dépassement au point de devenir mortelle.
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La colère et la détresse de Jean, protagoniste sont palpables et amenées de manière réaliste dans le récit. J’estime que les personnages sont réussis quand ils nous font travers des émotions. C’est pourquoi le fils de Jean l’est certainement étant donné que j’ai eu envie de le défenestrer à chaque fois qu’il ouvrait la bouche. Il faut dire que les différences entre hommes et femmes sont un tel gouffre dans ce monde horrible, que l’avis cet adolescent sur la place des femmes (de son entourage) retourne totalement l’estomac.
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Évoquons-le maintenant : oui, cette dystopie rappelle fortement « La servante écarlate » de Margaret Atwood. Les récits se basent sur le même procédé : on « tombe » dans la vie d’une femme à instant T, on découvre par les pensées de la protagoniste la société dans laquelle elle vit. On a accès à sa vision et son ressenti. Et on construit au fur et à mesure, par les bribes d’informations données, les règles sociétales de l’univers et le basculement fatidique.
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Cette société patriarcale est poussée à son paroxysme dans les droits des femmes et aussi dans le rôle des hommes ; même si l’histoire ici stigmatise un peu l’absence de réactions des hommes face à l’injustice (même c’est un processus compréhensible si l’on se souvient que c’est le discernement de Jean qui octroie ce filtre).

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L’immersion est rapide grâce à un style fluide. Dans son ensemble, le livre se dévore, « mais…». Et c’est rageant pour moi d’écrire que la fin ne me semble pas aussi soignée que le reste. D’ailleurs, je me demande si c’en est réellement une : l’autrice nous quitte sans nous dire ce que deviennent les rescapés et les victimes du mouvement « rebelle ». La fin est non seulement rapide et quelque peu bâclée mais d’une résolution beaucoup trop facile alors que Christina Dalcher avait pris soin de donner de la consistance à l’épreuve que doit traverser Jean.
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Le positif est à considérer : ce livre trouvera son public, dont la majorité n’aura pas découvert « La servante écarlate » (incomparablement mieux construit et intense).

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La prise de conscience est donc un élément bénéfique pour questionner les lecteurs sur leurs propres choix ; voire de se projeter dans la personnage principale en se demandant comment l’on agirait à sa place. L’existence d’une telle société est effrayante ; mais aussi déstabilisante tant la situation décrite ne me parait pas si lointaine.
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Je pense qu’à l’époque du #metoo, de la libération de la parole des femmes, de la priorisation à la sororité, certains livres amenant à une réflexion dans ce sens sont tout simplement bons à prendre.
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Je me permets de terminer ce billet sur une citation très à-propos de Simone de Beauvoir : «N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant.»

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Mise en scène du roman "Vox" de Christina Dalcher

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Lune a eu un coup de cœur pour ce récit féministe, Margaud Liseuse note aussi l’importance du roman, Elessar a été moins convaincu sur l’aspect réaliste de l’histoire.

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  1. 21/06/2019 à 22:36 | #1

    J’ai un peu peur d’un Servante écarlate bis alors je pense m’en tenir à l’original… mais c’est intéressant ce que tu dis sur le fait qu’il pourra toucher un autre public que celui de La servante écarlate justement ^^

    • Acr0
      25/06/2019 à 08:51 | #2

      J’ai trouvé que c’était de même moins dur dans l’ensemble car le récit ne se focalise pas sur l’utilité des femmes (utilité utérine notamment) mais sur leur inutilité hors foyer. Dans le sens, où il faut clouer le bec des femmes pour qu’elles effectuent leurs tâches domestiques efficacement.

  2. 23/06/2019 à 20:09 | #3

    tout comme Vert, je ne suis pas certaine que ce soit pour moi. Un peu trop srvante écarlate.

    • Acr0
      25/06/2019 à 08:53 | #4

      La place des femmes dans les sociétés est une thématique brûlante. Est souvent utilisée l’aspect dystopique pour montrer un paysage qui pourrait être malheureusement une réalité. J’aime bien qu’il existe différents livres qui ne toucheront pas le même public.

  3. 24/06/2019 à 09:55 | #5

    Dommage pour la fin, mais à découvrir tout de même, je note. Je n’ai pas encore lu « La servante écarlate ».

    • Acr0
      25/06/2019 à 08:54 | #6

      Le récit se révèle tout de même prenant 🙂

  4. 29/06/2019 à 17:53 | #7

    « Je pense qu’à l’époque du #metoo, de la libération de la parole des femmes, de la priorisation à la sororité, certains livres amenant à une réflexion dans ce sens sont tout simplement bons à prendre. »

    Oui certainement ! Après avoir lu la critique de Elessar j’ai quand même sérieusement remis en question mon envie de lire le livre mais en effet c’est bien que ce type de problématique soit traitée surtout par les temps qui courent.

    Peut être le lirais-je par curiosité s’il bénéficie d’une sortie poche. En attendant j’ai toujours La servante écarlate dans ma PàL (oups).

    • Acr0
      30/06/2019 à 14:26 | #8

      Et sensibiliser du public est toujours essentiel… d’autant plus que des lecteurs de ce titre-ci ne s’intéresseraient pas au roman de Magaret Atwood. S’il est déjà ta PAL, c’est bon signe 🙂 Aucun doute que tu le liras un jour.

  5. 14/07/2019 à 13:53 | #9

    Je l’ai dans ma pal, je suis très curieuse de le lire

    • Acr0
      14/07/2019 à 17:04 | #10

      Ah, je suis curieuse de connaître ton ressenti de lecture 🙂

  6. 04/08/2019 à 16:16 | #11

    Ton avis rejoint ceux tout aussi nuancés que j’ai déjà lu. Je pense me tourner vers ce livre le moment venu. Pour le moment, je sens que ça ne le ferai pas – je dois encore digérer La Servante Écarlate pour ne pas inconsciemment me mettre à comparer les deux qui, à te lire, ont malgré l’air d’avoir leurs différences.
    J’attends mon heure en me demandant ce que j’en penserai 🙂 !

    • Acr0
      06/08/2019 à 12:19 | #12

      C’est une bonne stratégie de laisser reposer sa lecture de La servante écarlate. Elle est si intense !
      Et puis cela permettra aussi à Vox d’être moins touchée même si le parallèle entre ces deux histoires naît toujours dans l’esprit du/de la lecteur.ice des deux romans.

  1. 14/04/2020 à 09:24 | #1