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Titre : Wonderful
Auteur : David Calvo
Plaisir de lecture : Livre avec entrée au Panthéon
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Bientôt, la Terre n’existera plus. La lune est morte et va venir s’écraser sur la Terre, pulvérisant les humains et leurs rêves. Dans les derniers instants de vie, les Londoniens fourmillent : ils vivent, certains goûtant à une vie victorienne, d’autres en écoutant la radio, ou en accédant à une douce folie. Beaucoup de personnes ont un but commun : participer au grand marathon de danse au Trafalgar Square qui a lieu ces prochains jours. L’objectif est de devenir le nouveau Roi de Londres. Sur les chansons sélectionnées de BlueFM, Pooh tente de ne pas se noyer dans son chagrin, Margot cherche en vain un partenaire pour le marathon et Loom tente tant bien que mal de comprendre les paroles que prononce une orpheline en état de choc.
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)°º•. Loom (Dr Loomis de son vrai nom) exerce au complexe où des enfants abandonnés de plus en plus nombreux grossissent les rangs à l’approche de l’apocalypse. Pooh, sa compagne erre dans l’appartement et dans sa tristesse permanente que seule la présence de Loom arrive un peu à tarir. Loom est appelé en urgence auprès de la nurserie où une orpheline, inconsciente et en état de choc chante d’étranges paroles. Obsédé par ce qu’il en retourne, il va chercher à trouver la langue que cette fille a employée. Au détour de murs blancs, un malade qui s’est lui-même transpercé les yeux crie qu’ils l’ont retrouvé et qu’ils vont le faire grossir. Complètement asservi par ses pensées, Loom ne se rendra pas tout de suite compte qu’il est suivi par deux détectives, les frères Floatsam et Jetsam.
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Margot Fiedler, quant à elle, est désespérée. Elle recherche activement un partenaire pour participer au marathon de danse. Elle n’a pas le choix, elle doit gagner. Coûte que coûte, c’est une course contre la montre qui se joue pour elle. Difficile pour une femme qui passe son temps le nez dans les livres, entre deux coups de stress, elle adopte Ornette, un drôle de « flocon ».
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Grimm survit dans son palais, assisté d’Ignatz un orphelin recueilli, chaque jour est une nouvelle épreuve. Bien que ses sujets lui semblent fidèles, il sait très bien qu’on veut lui destituer son titre de Roi de Londres. Sa dernière trouvaille est un kaléidoscope qui semble bien l’accaparer…
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Les reines Victoria et Mab, toutes deux sur leur territoire veillent au bon grain et sur leurs adeptes. Mais il ne fait pas bon régner quand certains Londoniens ne comprennent pas les lubies d’autres et que tout est prêt à déraper.
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Pourquoi Pooh est-elle si triste ? Dr Loom va-t-il trouver la traduction de ces paroles incohérentes ? Pourquoi est-il suivi par Floatsam et Jetsam ? Pour qui les détectives travaillent-ils ? Margot trouvera-t-elle un compagnon à temps pour le lancement du marathon ? Qui est Ornette ? Est-il seulement possible de détrôner Grimm ? Qui lui a offert le kaléidoscope ? Les reines Mab & Victoria ne sont-elles pas des usurpatrices ?
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)°º•. Nous entrons de vif dans une histoire pré-apocalyptique mais non moins romanesque. En tant que lecteur, nous sommes catapultés dans un univers qui n’est point expliqué. Il est difficile de se dire dès les premières pages, de lâcher prise et de se laisser porter. Au même titre que Loom, nous n’avons aucune vue omnisciente et nous avancerons autant à tâtons que lui. Tout jouera sur la désorientation du lecteur, qui de fil en aiguille, se surprendra par les retournements de situations et les révélations. A la moitié de l’histoire, nous découvrirons toujours de nouvelles intrigues, et reprendre son souffle devient difficile. Certes, nous apprenons le rôle de chacun, les actions, mais l’identité de chacun demeure encore floue. Le complot est universel et le déroulement peut paraître angoissé et déroutant.
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)°º•. Sur toile de « rêve », Calvo nous peint une fresque des activités humaines. L’euphorie permanente des personnages côtoie leur cynisme tatillon. Chaque « clan » d’humains, en vu de ses croyances s’est attribué un quartier de Londres. C’est comme ça que nous retrouvons les Victoriens et leur Reine Victoria à Buckingham Palace et la Reine Mab et son peuple féérique aux Jardins de Kensington. Certains citoyens se retrouveront pourtant bien seuls, notamment Loom qui sauve sa peau, Pooh l’affligée, Margot la solitaire et la voix de BlueFM, radio « pirate », Gouldling coincé dans son complet-veston gris, et Grimm, Roi de Londres. Wonderful est bien entendu la scène de ces destins croisés de nos personnages.
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Manifestement, Wonderful a des allures de Neverwhere de Neil Gaiman. En premier lieu, les décors londoniens s’inspireront du précédent livre et pour ma part, je trouve que le combo Floatsam & Jetsam a quelques ressemblances avec le couple Croup & Vandemar. Scènes poétiques et burlesques montent sur la scène tour à tour. Tragédie & Comédie se succèdent. La forte sensibilité des personnages frôlera leur intense exaltation. Dans un Londres où Big Ben a cessé de sonner, dans un Londres où l’esprit baroque prime, dans un Londres où tout est possible, vous n’aurez qu’une envie : y entrer !
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Calvo nous présente un condensé de chimères absolument délicieux. Son histoire se révèle être également un exercice de style superbe. Il saura créer un équilibre parfait entre fantastique et rocambole.
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Pour certains lecteurs, ce côté rêveur/poétique ne saura pas autant les transporter que j’ai pu l’être. J’ai aimé ce côté de l’abandon total du lecteur, invité simplement à « profiter ». Les personnages un poil tordu m’ont totalement séduite et l’univers baroque d’un(e) Londres effervescent(e) n’a pu que me plaire. La dimension de la machination planétaire ne pourra rendre que plus fragile cette histoire où les humains sont bien loin… de tout.
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)°º•. Calvo a reçu le Prix Julia Verlanger 2001 avec Wonderful.
L’édition que j’ai entre les mains, est celle de Bragelonne, dont la magnifique couverture a été refaite pour leurs « 10 ans » et est signée David Oghia.
Moi qui me plains des titres de chapitre trop révélateurs, je vous avoue que cette fois, j’ai été servie et que la majorité d’entre eux me demeurent encore énigmatiques.
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Biographie :
Né en 1974, au milieu des îles blanches de Massilia, ce bout du monde, David Calvo est systématiquement arrêté dans les aéroports pour vérification d’identité. Quand il ne court pas le monde pour se cacher de ceux qui lui veulent du mal, David Calvo écrit des livres, des nouvelles et des scénarii. On a dit de lui qu’il est hors normes, sans respect pour les codes et genres de la littérature, qu’il se nourrit exclusivement de caramel et de thé à la menthe. C’est vrai, mais il y a plus encore : iconoclastes et dérangées, ses œuvres sont en fait les cris désespérés d’un homme prisonnier de sa propre image, dont il tente de se débarrasser depuis qu’un sinistre critique a vu en lui le nouveau Norman Mailer de la Fantasy. Aujourd’hui, David Calvo se laisse bercer par les querelles intestines que son estomac droit livre, avec patience et opiniâtreté, à son colon gauche. Wonderful est son deuxième roman.
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)°º•. Extrait :
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Dans le chaudron :
¤ Neverwhere de Neil Gaiman
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Souvenir lié à ma lecture : Le choix de mon marque-ta-page, que j’ai découvert on ne peut plus approprié, à la fin de ma lecture. « Guardians » d’Amy Brown.
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Ce livre a été apprécié en lecture commune avec Gaëtan, Lhisbei. Hugin & Munin et Librairie Critic se sont aussi exclamés » So ! »
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Pics : #1 Nightfall Over Big Ben par AngryDogDesigns, #2London after Midnight par IndigoChildren, #3 Guardians par Amy Brown.
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