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VONARBURG Elisabeth – Chroniques du Pays des Mères

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Titre : Chroniques du Pays des Mères
Auteur : Elisabeth Vonarburg
Plaisir de lecture Livre avec entrée au Panthéon

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Après une catastrophe qui a changé la planète, les Captes des Familles veillent sur le Pays des Mères. Sous la protection de la Mère de Béthély, Lisbeï va grandir dans une société encore toute jeune. Ne pouvant remplir le rôle auquel elle était prédestinée, Lisbeï va devoir trouver sa nouvelle place dans une société en pleine effervescence et remettre à plat toutes ses convictions. Alors que Tula, sa sœur et amie va remplacer Selva en tant que Mère, l’exploratrice Kélys va aider de son mieux Lisbeï dans son cheminement.

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)°º•. Elisabeth Vonarburg nous dépeint une société relativement jeune (400 ans) où la discrimination raciale et sociale existe bien ; il est même question d’une hymne à la différence… et la naissance de la complémentarité. Ces chroniques sont tout aussi physiques qu’émotionnelles. On part chercher les origines d’une telle société en découvrant son Histoire et la foi. La question de l’identité et de la place de l’individualisme dans ce monde empreignent le livre. Il s’agit de véritables pérégrinations intellectuelles.
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Au Pays des Mères, le contrôle des naissances est rude et qui parfois à nos yeux peut paraitre triste, dur et injuste. Les hommes sont très peu nombreux dans cette civilisation et la procréation s’avère un devoir vital extrêmement ritualisé ; mais tout est affaire de survie.

On navigue sur la contestation et le dynamisme de la séparation des sexes. La hiérarchie est telle qu’un code vestimentaire est créé : verts : pré pubères ; rouges : nubiles ; bleus : stériles ou interdites de procréation pour cause de risque congénital.  L’aspect sexuel peut déranger quelques lecteurs : on ne rentre pas dans les détails, tout est conté avec un certain voile pudique mais c’est plutôt le type de relations qui pourraient apparaitre comme atypiques.

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Même si la violence physique n’existe plus, la violence a toujours sa place de bien des manières. Les différences de statut homme/femme intègrent des caractéristiques sexistes et même l’exclusion jusqu’à la haine envers les hommes. La soif de pouvoir s’effectue aussi via la féminisation du langage ; le vocabulaire tout comme les expressions : la chevale, la hérissonne, la bébée, l’enfante. La grammaire est aussi modifiée ; le féminin remporte toujours sur le masculin : un groupe de personnes composé d’une femme et de deux hommes sera signalés par un « Elles ».

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L’auteur s’interroge sur la place des femmes, sur les relations avec les hommes. Même si cette société est basée sur le matriarcat, sexiste et féministe, Elisabeth Vonarburg nous propose la vision d’une société subtile et sans cliché. Les femmes seront d’ailleurs nombreuses dans l’histoire et nous suivrons entre autres Lisbeï, Tula, Kélys, Mooreï, Antoné, Guiséa et Selva.

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)°º•. En lisant cette histoire, on vit à travers les yeux de Lisbeï : on suit ses aventures mais parfois on en apprend plus grâce aux correspondances. Ce roman initiatique est le journal de bord de Lisbeï entrecoupé par des lettres reçues, des extraits de journaux ou des monologues intérieurs. Ecrit entre 1979 et 1992, il faudra bien toutes ces années pour qu’Elisabeth Vonarburg nous livre une humanité bouleversante.

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Le challenge est très haut dès le départ : il faut que la société soit crédible, qu’elle tienne droit et que l’histoire nous entraine vers des découvertes et autres surprises. La plume exigeante de l’auteur donne une impression de lire un roman historique, une véritable autobiographie d’une période de notre société ; c’en est bluffant. Le pouvoir d’écriture forme un monde en développement où les mystères sont assez nombreux pour nous intriguer tout du long. Ce n’est pas un livre d’action ; qui ne présente pas non plus une romance idéale mais les tensions sont parfaitement maitrisées. Cette histoire parait simple, presque linéaire alors qu’il n’en est rien ni dans sa construction ni dans l’immersion. Le rapport à une culture différente est le pivot de ce livre.

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Ce récit ô combien singulier est très prenant. Le plus difficile est sans doute d’entrer dans l’histoire : le vocabulaire nouveau et la description des lieux et hiérarchies peut être déroutants. Cette histoire m’a particulièrement touchée et j’ai eu du mal à le lâcher. Les informations sont assez nombreuses à avaler, quelques fois on a du mal à rester concentré(e) mais cela vaut la peine car le récit est beau et poignant.

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L’auteur fait part de beaucoup de suggestions et nous n’avons pas réponse à toutes nos questions. On s’interroge également à propos de notre société. Coutumes, évolutions, politiques et autres détails sociétaux donnent une grande force à l’histoire. J’ai ressenti une très grande sympathie pour Lisbeï mais aussi pour les personnages secondaires. La fin m’a surprise et je reste un tantinet désappointée concernant les Mauterres. A travers ma chronique, je n’aurai pas su vous convaincre tellement ce livre est complexe à résumer ou à vous expliquer : on ne peut le savourer qu’en le lisant.  J’ai particulièrement aimé les discussions avec les membres du Cercle d’Atuan pour les éclaircissements apportés. Il va sans dire qu’il est à lire avant « Le silence de la cité » qui se déroule antérieurement à ce livre-ci ; mais c’est un conseil non dénué de sens qu’a partagé la bloggeuse Vert, pour préserver le suspense et la magie. C’est un livre qui se lit et se relit plusieurs fois au cours de sa vie : ça tombe bien, j’ai acquis un vieil exemplaire un peu usé, aux pages jaunies qui me conforte dans cette idée.

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Chroniques du Pays des Mères est une histoire toute sauf personnelle, c’est un véritable voyage que vous entreprenez avec Lisbeï qui a soif d’aventures, de connaissances et d’expérience empirique. Des choix imparfaits dans un monde imparfait.

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)°º•. Biographie
Elisabeth Vonarburg née en 1947 à Paris et vit au Saguenay au Québec depuis 1973.  Romancière et nouvelliste, elle fait parti des figures incontournables francophones de la SF. Ayant plusieurs cordes à son arc, elle a reçu tout autant de récompenses littéraires. Notons le fait primordial qu’elle aime les chats (elle en a même plusieurs !). Son site.
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Pour Chroniques du Pays des mères : Prix Boréal 1993, Aurora Award 1993, Prix spécial P.K. Dick 1993, Prix Boréal du meilleur roman de SF 1993, Grand Prix de la science-fiction et du fantastique québécois, Prix du Gala du livre du Saguenay-Lac-Saint-Jean 1993.

Feuiller le livre, ici.

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Souvenir de lecture : Les Mauterres, les Mauterres !

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Dans le chaudron :
¤ Le silence de la cité

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Chez Neph, Le rêve du renard (Yume), Mes lectures de l’imaginaire (Olya), Nevertwhere (Vert), Parchments of Sha’ (Shaya), Popoyo’ s lairRêverie en forme de poire (Zahlya), Tortoise’s time tree ont lu ce livre en ma compagnie.
La première chronique de Nevertwhere (Vert), Albédo (Lutin82), A livre ouvert (Chimère), La caverne de JainaXF, Lectures sans frontières (A girl from Earth), Miss Mopi, Mon coin lecture (Karine), Un papillon dans la lune.
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Cette lecture est une participation à « Québec en septembre » ainsi que le pour le challenge « Fins du monde« .

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Pics : #01Lisbeï, doll de Miss Mopi ; #02 Portrait d’Elisabeh Vonarburg par Mélanie Fazi.

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  1. 27/09/2012 à 18:46 | #1

    Quel souvenir, ce roman. J’ai commencé Reine de mémoire (j’ai juste lu le premier tome) mais j’aime définitivement cet auteur!

    • 27/09/2012 à 19:41 | #2

      J'ai lu ce livre en janvier, et j'ai encore de très bons souvenirs (en comparaison à d'autres livres, je suis plutôt poisson rouge)

  2. 27/09/2012 à 18:54 | #3

    Très bel article, tu es encore plus éloquente que moi au sujet du roman ! L’aspect culturel est définitivement le plus passionnant, d’autant plus qu’on le vit avec les personnages et pas d’une manière extérieure ! Un très beau roman que je recommande à tous !

    • 27/09/2012 à 19:42 | #4

      Parler de ce livre n'est pas chose aisée... Oui, un très bon roman, apparemment le plus plébiscité de Vonarburg.

  3. 27/09/2012 à 19:12 | #5

    Je crois justement que le challenge a été trop ardu pour moi : je l’ai lu, certes, mais à contre-coeur sur la fin. Dommage ! Mais je suis ravie qu’il t’ait plu (et je peux te revendre mon exemplaire à peine abîmé hihi).

  4. 27/09/2012 à 20:07 | #7

    Les Mauterres !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

  5. 27/09/2012 à 20:18 | #9

    Ça valait la peine d’attendre ! Belle chronique, encore une qui me fait dire que je devrais m’y mettre.

  6. 28/09/2012 à 01:04 | #11

    « Livre avec entrée au panthéon ».:)) Si ce n’est pas de l’enthousiasme ça ! C’est vrai qu’il y a finalement tant de choses à dire sur ce roman, et ce n’est pas évident d’en parler de façon concise. Sur votre forum, vous avez dû bien vous amuser, toutes.:)

    • 28/09/2012 à 08:00 | #12

      Ce n'est pas évident d'expliquer... et surtout de ne pas spoiler :) On a eu des discussions passionnantes, oui.

  7. 29/09/2012 à 04:00 | #13

    Ce livre me tentait déjà pas mal, et vu ta chronique, ça ne va pas s’arranger!!!

  8. 29/09/2012 à 08:04 | #15

    un livre dont on a entendu parler ce mois-ci avec le mois du Québec chez Karine !

  9. 29/09/2012 à 10:22 | #17

    Il est sur ma PAL, les critiques dithyrambiques le font monter toujours un peu plus haut, jusqu’au jour où enfin il s’ouvrira devant moi.
    Ça ne devrait plus trop tarder… 😉

    • 29/09/2012 à 19:24 | #18

      S'il est sur ta PAL, cela veut dire que tu l'as acquis ? Parce que le plus difficile dans l'histoire, c'est bien ça :) On le trouve difficilement d'occasion...

      • 01/10/2012 à 11:51 | #19

        Tu le trouves en neuf chez Alire, il me semble que c’est un éditeur québécois

        • 01/10/2012 à 11:55 | #20

          Oui c'est bien un éditeur québécois, tu vois je croyais qu'ils étaient aussi en rupture de stock mais pas du tout :)

  10. 29/09/2012 à 21:29 | #21

    The must !!! 🙂

  11. 01/10/2012 à 19:49 | #23

    Il était temps que tu l’écrives cette chronique, j’ai failli attendre 😀

  12. 08/10/2012 à 09:32 | #25

    J’ai très, très envie de lire ce livre depuis quelques mois maintenant et je sens que je ne vais pas tarder à l’inviter à venir prendre place dans ma bibliothèque bientôt si je tombe encore ne serait-ce que sur un avis aussi enthousiaste et agréable à lire que le tien 😀

  13. 10/10/2012 à 20:25 | #27

    La lecture date un p’tit peu (fin, comme la tienne quoi :D), et j’avais aussi bien galéré pour faire mon article. Et c’est rigolo, même là, tout de suite, si je veux dire un truc sur le livre, j’y arrive pas.

    C’est vraiment LE livre que j’ai lu pour lequel j’ai autant de mal, même juste à donner une banale phrase pour commenter ton article. Du coup, bahhhh, on fera avec (ou sans plutôt ^^) 😀

    • 12/10/2012 à 13:15 | #28

      Huhu :) Peut-être que cela m'est plus facile car j'avais pris plein de notes de lecture et que de relire tout ça en plus de la rédaction de la chronique m'a aidée.

  14. 15/10/2012 à 12:31 | #29

    Le thème à l’air plutôt intéressant donc je pense que si un jour je tombe dessus d’occasion, je serais tentée de l’acheter. J’aime bien les noms des personnages aussi, je sais pas pourquoi.

    • 15/10/2012 à 12:45 | #30

      Il est assez difficile en France de tomber dessus d'occasion à vrai dire :)

  15. 29/01/2019 à 22:17 | #31

    Oui, je comprends tout à fait sa mise à ton panthéon. Vraiment une super lecture.

    • Acr0
      30/01/2019 à 19:27 | #32

      Des années après lecture, je sais qu’elle m’a marquée.

  1. 27/09/2012 à 19:38 | #1
  2. 27/09/2012 à 22:22 | #2
  3. 29/09/2012 à 17:41 | #3
  4. 21/12/2012 à 15:16 | #4
  5. 04/01/2013 à 08:14 | #5
  6. 28/06/2013 à 10:12 | #6